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Croix-Rouge de Belgique
20.03.2017 |

#BrusselsAttacks : Emilie et Shanice nous livrent leurs souvenirs

#BrusselsAttacks : Emilie et Shanice nous livrent leurs souvenirs

#BrusselsAttacks : Emilie et Shanice nous livrent leurs souvenirs

Pendant une semaine, nos volontaires mobilisés pour les attentats du 22 mars témoignent. Aujourd’hui, c’est au tour d’Emilie et Shanice.

Les deux amies sont étudiantes infirmières en 3e année. Elles ont été alertées ensemble, alors qu’elles suivaient le cours de psychologie.

« Tout avait commencé comme un journée de cours ordinaire parmi tant d’autres… Une fois arrivées à Maelbeek, les événements s’enchaînent rapidement. Il faut quelques courts instants pour resituer son esprit. Le temps était comme figé… Il y avait des ambulances, des pompiers, des policiers, des militaires partout… Et cette odeur de fumée et de sang brûlé mélangé refluant de la bouche de métro située en face de l’hôtel Thon où était installé le Poste Médical Avancé. Spontanément nous avons demandé où il y avait besoin d’aide en priorité. On nous a répondu : « si vous savez monter des perfusions allez-y ! ».

En 3 années d’études en soins infirmiers je n’ai jamais monté aussi vite autant de perfusions ! Soudain un cri plus fort que les autres nous ramène à la réalité. En levant la tête, on se rend réellement compte de la situation. Des visages recouverts de suie, des « burn-kit » faciaux, des membres arrachés, du sang, des corps brûlés … Toutes ces images restent en tête. A partir de ce moment-là, le mode « robot » se mit en marche. On réalise les soins les uns à la suite des autres sans réellement se rendre compte. Des pansements compressifs, des perfusions à piquer, de la morphine en veux-tu en voilà, des immobilisations de membres … et surtout ces visages figés, ces regards vides. Après ce moment de panique, un calme stuporeux régnait. Les regards en disaient long ce que les gens venaient de vivre ou plutôt ce à quoi ils venaient de survivre ».

Emilie : « Un visage en particulier me revient souvent en mémoire. Celui d’un homme assis dans un fauteuil avec un burn kit facial qui ne laissait apparaitre que son regard bleu perçant. Il était assis derrière moi qui aidais un collègue à poser un collier cervical. Je sentais son regard, il était là, seul, sans un mot à attendre qu’on le transfère… Cette nuit-là, il me fut impossible de dormir, impossible de me débarrasser de cette odeur, ces images, ces cris… Les jours se suivirent et les émotions restaient là et formaient comme une boule demandant à sortir. La boule se fissura en plusieurs morceaux qui sortirent les uns après les autres… Les émotions se mélangent. La colère d’entendre la frustration de ceux qui n’avaient pas pu être là, la tristesse d’avoir été confrontée à toute cette détresse humaine, le sentiment d’impuissance malgré tous les soins apportés. Un an après, le temps passe mais les souvenirs restent : on n’oublie pas, on avance. Individuellement on grandit, on devient plus fort mais jamais invincible. Des liens plus forts se sont créés, des amitiés se sont soudées. Même si la pente a été dure à remonter, quoi qu’il arrive, on ne regrette pas d’y être  allé et on y retournera quoi qu’il arrive. Mes pensées vont aujourd’hui aux victimes et à leurs familles mais également à tous ces gens qui étaient là pour aider et avec qui je suis fière d’avoir travaillé (secouristes, ambulanciers, pompiers, policiers …). Ensemble et avec vous quoi qu’il advienne… »

Shanice : « Je me souviens de ce petit moment de répit : un bébé qui pleurait dans les bras de son père complètement perdu. Le temps de préparer un biberon, de laver ses yeux couverts de suie et j’étais déjà repartie auprès d’une autre victime. Fin de journée, nous avons participé à un débriefing au siège de la Croix-Rouge avec d’autres intervenants. Le moment de retrouver mon compagnon qui durant toute la journée a convoyé des victimes à l’hôpital. Les jours qui ont suivi, je me sentais vide, vide d’émotion. Malgré les séances de paroles à l’école  je n’arrivais pas à lâcher prise. Entendre la frustration des autres collègues n’ayant pas participé était insupportable. Jusqu’au jour où en entendant une musique je me mise à pleurer… Depuis ce 22 mars, les souvenirs ne s’effacent pas, on n’oublie pas. Jamais »